Le mouchoir.
Il était tout petit, fait de fin linon blanc
Bordé d'une dentelle tissée par Grand-maman...
Quand je l'avais brodé, j'étais encore enfant...
J'avais mis mon prénom au coeur d'un muguet blanc...
Et j'y tenais beaucoup ! Il ne me quittait pas :
Dans mon sac ou ma poche, il était toujours là !
*
Je le lavais un peu, mais toujours à la main...
Et aussitôt rincé, aussitôt repassé,
Il reprenait sa place ! C'était comme un besoin
Tout au fond de ma poche, de le sentir niché...
*
Les jours ont défilé, les mois, et les années...
Des amours sont passés... Le « Grand » est arrivé...
Il était toujours là, petit témoin caché
Des peines étouffées et des joies partagées...
*
Puis un jour où les rires auraient dû nous porter
Puisque notre cousine allait se marier,
Le Docteur a parlé... Et nous avons signé
Le plus dur des accords qu'on ait eu à donner :
Notre plus grand trésor, notre fille, not' poupée
Devait être opérée... Elle serait trépanée...
*
La route du retour, de Lyon à St E...
Nos coeurs pleins de douleur, et nos gorges nouées...
René qui conduisait les yeux pleins de brouillard...
Et au creux de ma main, le tout petit mouchoir
A essuyé ses larmes... Et je lui ai donné
Ce petit bout de moi qui voulait consoler...
*
Et alors, lentement, sa bouche a lacéré...
Sucé, mordu, happé le tissu inondé...
*
Et sans s'en rendre compte, comme pour « avaler »
Ce terrible chagrin, cette colère-boulet,
Les morceaux de sa peine, il les a tous mangés...
*
De mon petit mouchoir, il n'est plus rien resté...