La maison abandonnée.
écrit au cours d’une promenade dans la Haute-Loire profonde,
quelque part près de St Ilpize
Et illustré des photos de L@aurence
sauf la 1ère qui est de Patlesarthois.
Merci à eux deux.
Maison, raconte-moi un peu de ton histoire,
Dis-moi qui t’a voulue au milieu de ce pré,
Nichée au creux du suc, dominant la vallée ??
Et qui t’a éloignée du chant de la rivière ??
Qui t’a voulue si seule, bien qu’au regard de tous ??
Laisse-moi deviner ce que cachaient tes murs,
Ce qu’ils ont abrité de rêves et de murmures ;
-
Je sens autour de moi les âmes de tous ceux
Qui ont vécu en toi, qui s’y sont rencontrés,
Saluant l’habitant, ou venant travailler ;
Et le seuil accueillant de ta porte entr’ouverte
A-t-il vu d’autres gens s’arrêter comme moi,
Et chercher à percer le secret de ton vide ???
-
Qui a pu admirer dans le soleil couchant
Les yeux de tes fenêtres de rouge illuminées ??
Qui au petit matin a foulé le jardin,
Ecoutant les oiseaux se saouler de rosée ??
Et qui fût le dernier à éclairer de vie
Ce foyer qu’on t’avait donné de protéger ???
Ici les rires ont fui… Là, sur le sol battu,
Des enfants ont joué, des hommes sont venus
Partager le repas, ou passer la veillée…
Et combien de murmures près de ta cheminée
Ont scellé des amours, ou créé des projets ??
Dis-moi la jeune fille penchée à ta fenêtre,
Rêvant d’une autre vie, … ou de rester peut-être ???
Et dis-moi le garçon venu la demander
En tournant son béret d’un air un peu gêné…
-
Et dis-moi la maman préparant le repas,
Et les enfants courant à l’heure de l’école…
Et les hommes harassés les soirs de dur labeur,
Et la force de vie, et l’espoir d’un meilleur…
En toi des familles ont vécu,
Mais leur histoire s’est perdue…
Toi seule Maison, pourrait nous dire
Quelles ont été leurs joies, quelles furent leurs chagrins…
S’ils ont dû fuir leur toit pour travailler ailleurs,
Ou s’ils sont restés là, jusqu’au jour de la fin…
Maison peux-tu me dire leurs rêves échappés ?
Ou bien ont-ils pu vivre ici en autarcie :
Il y avait quelques bêtes dans la sombre écurie…
Et tes murs ont caché les joies comme les peines…
La bouche de ta porte qui ne sait plus fermer
Semble attendre un demain qui saurait éclairer
La cuisine ou la chambre qui souffrent du silence,
Qui voudraient re-frémir aux rires de l’enfance,
Au lieu de voir le temps lentement effacer
Le peu de vie qui reste en tes murs délabrés.
Aujourd’hui les orties ont volé le jardin,
Et les merles et les pies ne pilleront plus rien…
Même le vieux cerisier ne donne plus de fruit,
Depuis bien trop longtemps personne n’a cueilli…
Pourquoi ai-je eu besoin de m’asseoir sur ton seuil
Et de rester ainsi à écouter le soir ??
C’est toi qui a voulu que je reste un moment,
Toi qui m’a invitée par ta porte entr’ouverte,
A profiter de toi, à chercher à saisir
Ce que tes vieilles pierres ne peuvent pas me dire…
Alors je suis entrée… comme dans un secret…
Tout doucement, sur la pointe des pieds,
Comme pour ne pas te déranger…
Et comme le soleil qui peine à se coucher
Voilà que je n’ai pas envie de m’en aller...